mardi 17 février 2015

Une Cryptomonnaie Nationale a t-elle un sens ? Considérons que la "eDémocratie" fera disparaître l'Etat Central (Orwellien)


QUESTION posée au niveau du groupe Facebook "eDémocratie" ----------------------

La solution du eFranc que vous proposez est clairement (vous le dites vous-même dans le document) une version nationaliste du Bitcoin.

La nature même de l'internet et du bitcoin (réseaux ouverts) me paraît incompatible avec ce genre de considérations.
 Je vous invite à vous documenter sur la débâcle de l'Auroracoin (tentative de bitcoin national islandais) à ce sujet.

De manière plus générale, votre idée d'un bitcoin national, et le fait que vous considériez l'anonymat comme facultatif, sont je n'en doute pas sincères et désintéressées, mais ça me parait aller vers des systèmes nominatifs dans lesquelles l'expression politique et économique seront entièrement contrôlés selon des principes nationaux, donc in fine par l'Etat puisque c'est lui qui délivre les documents d'identité. Donc l'inverse des systèmes ouverts tels qu'Internet et le Bitcoin ou le torrent.

Du coup je reste un peu car je suis curieux de lire votre réponse à ce sujet.

REPONSE ---------------------------------------------------------------------------------------

La première version de cet article a été écrite il y a quelques jours. Il semble plus clair d’y intégrer la question, ou plutôt, les questions posées qui sont à l’origine sont maintenant introduites en préambule.
Pour plus de clarté, je vais reformuler le questionnement dans les termes suivants :
Envisager une cryptomonnaie « nationale » a-t-elle un sens ? Effectivement, de prime abord, l’exemple de l’Auroracoin lancé en Islande ne semble pas une réussite.
Je me lance sans modération dans la rédaction de ce commentaire assez long suite à cette interrogation qui m’a été faites (la semaine du 16/02/2015 au 22/02/2015) concernant d’une certaine façon ma définition de l’Etat et accessoirement de la Nation (même si le sujet est posé en premier lieu sous l’angle des  cryptomonnaies). Après avoir émis quelques suggestions sur ce sujet, nous traiterons un autre point, celui de l’exercice de la Démocratie : doit-on la déléguer comme aujourd’hui à des représentants ou peut-on aller plus loin en envisageant, comme l’on fait de nombreux précurseurs, une démocratie liquide ou directe, qui permet moyennant l’usage intensif des nouvelles technologies, non seulement de prendre l’avis du peuple de façon ininterrompue, mais aussi de le faire participer beaucoup plus profondément aux travaux législatifs voire exécutifs et judiciaires.
Prenons le premier point. Est-il pertinent de définir une cryptomonnaie comme monnaie nationale ? Dans ma vision ça l’est. Il n’y a pas besoin pour cela de considérer ce point sous l’angle historique qui définissait le pouvoir de création monétaire comme un pouvoir régalien. Ce pouvoir avec d’autres comme celui de lever une armée relève du pouvoir exécutif d’une Etat. Ce n’est pas en vain quand j’indique ne pas reprendre ce point sous l’angle historique car l’Etat, tel que nous le connaissons, ne correspond plus du tout aux attentes des peuples, et donc des français. Revenons un instant au sujet de l’expérience Islandaise. L’Aurora coin semble être considéré par certains (faisant d’ailleurs surtout partie de l’oligarchie islandaise) comme étant un échec, voire un scam (escroquerie en anglais). L’Auroracoin reste similaire à la majorité de ses petites sœurs, il s’agit d’un clone (fork) du«  master » Litecoin elle-même clônée du bitcoin. Ces cryptomonnaies se cantonnent généralement au second rôle de monnaie secondaire en ce sens où il lui manque comme à toutes les crypromonnaies une caractéristique qui me semble essentielle, à savoir la possibilité de faire évoluer sa masse monétaire en fonction de la croissance économique de façon à ne jamais être susceptible de freiner cette activité. On notera d’ailleurs l’analogie avec la situation actuelle, la « production » d’euro a volontairement été étroitement encadrée par les traités européens et la BCE est en la garante. Signalons d’ailleurs pour ceux qui ne connaissent pas leurs classiques que la lutte contre l’inflation est privilégiée (par ladite BCE) à la lutte contre le chômage.
Ainsi, les cryptomonnaies demeurent de fait par leur structure des monnaies secondaires, elles ne sont pas en mesure d’accompagner (en volume) la croissance car rien dans leurs caractéristiques intrinsèques codées n’a été prévue pour cela. C’est d’ailleurs pourquoi le texte ancré au niveau du groupe « eDémocratie nouvelle Constitution et nouvelles technologies » propose d’y remédier en intégrant au système « cryptomonétaire » la gestion d’un fond « FAVA » dont le montant serait totalement corrélé avec les flux de TVA qui sont eux-mêmes directement fonction de l’activité économique. Pour bien comprendre le point central de ce sujet qui doit respecter la "eDémocratie", la gestion de ce fond est affectée à un "eGroupe" de pilotage d'essence démocratique. Ce pilotage correspond au coeur du système économique, cela permet ainsi de réintroduire le "nerf de la guerre" au coeur de l'Etat. (Détail sur la gestion de eGroupes page 26 du document suivant : https://drive.google.com/file/d/0B-dyG5b0ZAa2ZTdLOV9NSUJDcFE/view?usp=sharing)

J’ajouterai au passage que la procédure prodiguant un avantage exagéré aux « early adopters », il semble plus pertinent de légiférer de façon à ce que la fonction de « minage » soit intégrée en tant que fonction native dans tous les devices connectés au web.

Autre point sur l’Aurora, cette monnaie n’est pas un succès car l’Etat Islandais ne semble pas disposé à légiférer sur ce sujet. Elle n’est pas clairement intégrée au système comptable et fiscale ce qui laisse nécessairement perplexe les acteurs économiques. L’incertitude de l’avenir fiscale d’une entreprise est de nature à susciter une appréhension bien compréhensible en laissant la porte ouverte à l’arbitraire des autorités fiscales.
Paradoxalement, le manque de législation peut aussi décourager l’initiative.
En revanche, je ne considère pas que l’analyse du cours (de change) de l’Auroracoin soit une axe d’analyse valable pour juger de la pertinence de cette cryptomonnaie. Il s’agit d’un cours de bourse en quelque sorte. La spéculation est le « moteur » de la finance, mais pas de l’économie. Si çà l’était, les volumes énormes de dollars déversés dans le cadre des différents Quantitative Easing américain auraient sauvés depuis longtemps l’économie américaine, hors, on dénombre environ 50 millions de sans-emplois dont la survie dépend de tickets d’alimentation. Les QE américains et depuis peu, européens profitent aux acteurs de la finance et non à l’économie réelle. La finance ne fait pas l’économie de même que le cours d’une cryptomonnaie ne valide pas un modèle surtout quand celle-ci demeure une monnaie secondaire. L’Aurora pourrait être efficient dans le cadre d’une utilisation verticale. Si les producteurs d’énergie, les producteurs de matières premières, les entreprises de transformation et de prestations de services se lançaient dans l’utilisation de cette monnaie, le cours n’aurait pas la moindre importance. Bien sûr, il s’agit ici d’une vision essentiellement « localiste » qui tend à privilégier les échanges locaux aux échanges internationaux surtout concernant les ressources alimentaires. Les soucis commenceraient dès lors que des échanges avec d’autres nations nécessiteraient de faire du change, vers le dollar par exemple. Mais cette difficulté-là existe déjà dans les mêmes termes avec le krone islandais qui a été dévalué aussi fortement qu’a pu l’être l’Aurora. 
Une fois ces éléments suggérés revenons sur le sujet de l’anonymat et de la définition du rôle de l’Etat dans l’éventuel contrôle des identités. Ce sujet est complexe et peut être lié selon moi à une fonctionnalité que j’ai eu l’occasion de traiter succinctement au niveau d’un document publié sur slideshare :

Il s’agit de définir les caractéristiques légales et techniques d’une personnalité digitale (reprenant à la fois des caractéristiques de la personne physique et morale) permettant de matérialiser (même s’il faudrait plutôt parler de virtualisation) un individu doté d’attributs légaux ayant des fonctions spécifiques sur la toile.
Cette personnalité pourrait faire référence à ce que l’on appelle parfois la « pseudonymisation ». Cette personne pourrait acquérir le droit de vote issu l’acquisition du mandat de la personne physique de rattachement.
Dans tous les cas de figure le cybercitoyen disposera d’un eRéputation qui sera utilisée dans le cadre de fonctions politiques (éligibilité au tirage au sort ou à l’élection).
Cette piste est à creuser dans le cadre d’un sujet qui ne me semble pas près d’être résolu, à savoir le manque de fiabilité des systèmes de dénombrement des votes dans le cadre d’un système totalement dématérialisé online. Le vote devient anonyme en perdant son lien avec le votant, il en est ainsi dans le cas de l’utilisation des urnes transparentes. Mais l’urne transparente peut être surveillée par des votants volontaires pour cette tâche. Sur internet, si l’anonymisation est garantie en rompant le lien votant/bulletin, toute sorte de fraudes sont envisageables (des malware sur les PC, des virus sur les serveurs…).
Il me semble donc que l’usage de l’équivalent du vote à main levée soit préférable tant qu’un système de vote internet avec une fiabilité universellement reconnue ne soit apparu.
Concernant la gestion de l’Etat, il s’agit là d’une objection soulignant le fait que s’il n’y a pas de secret du vote, une instance dirigeante peut être en mesure d’agir en coulisse pour faire pression sur ceux qui auraient « mal voté ». Hors, concernant ce point central, le réflexion est en cours et doit être discutée dans le cadre d’Atelier Constituant puisque qu’il s’agit là du cœur de la « eDémocratie ». Dans l’attente de son approfondissement, mon point de vue est le suivant :
Le peuple reprendra le pouvoir dans la future Constitution. Contrairement à nombre de travaux de différents ateliers constituants, la perspective de l’usage intensif de nouvelles technologies sera un point majeur. Ce faisant, il semble être possible de s’affranchir ou de limiter certaines contraintes comme par exemple l’obligation de déplacement en bureau de vote, le calendrier des élections qui est trop rigide, la délégation du pouvoir législatif à des représentants (ministres, députés, etc…). De mon point de vue, l’Etat sous sa forme actuelle disparaitra pour être remplacé par une gestion de « groupes » ayant une forte analogie avec ceux de Facebook mais développés dans un réseau social peer-to-peer. La définition de tels groupes est à affiner au niveau des ateliers constituants, considérons toutefois quelques fonctionnalités :
Fonctions législatives : tirage au sort d’un conseil législatif (similaire au conseil des 500 de la démocratie Athénienne). Fonctionnalités connexes : volontariat, révocabilité, vote de l’ostracisme, non renouvellement des mandats, réddition des comptes, mise en accusation publique).
Le pouvoir exécutif sera pris en charge par des représentants désignés par TAS ou élus au suffrage universel sur la base d’une réputation sans tâches.
Le pouvoir judiciaire : Le tirage au sort, la révocabilité (action postérieure), l’ostracisme (action antérieure) des magistrats est proposé.
Le pouvoir médiatique : Des « canaux » de diffusion financés par l’Etat devront être indépendants des pouvoirs économiques et désignés par le peuple ou tirés au sort. Il n’y aura pas de renouvellement de mandat.
Une telle organisation peut se passer à mon sens des partis politiques classiques.


Pour terminer sur la crainte liée à l’exercice d’un pouvoir centrale pouvant à tout moment aboutir à une dérive orwellienne, la piste proposée est essentiellement de redonner le pouvoir au peuple en réorganisant l’Etat en groupe gérés de façon liquide (c’est-à-dire en flux continu) par les décisions collective du peuple. La question de l’anonymisation pourrait devenir secondaire dans la mesure où l’Etat, ayant disparu, ne serait plus à craindre.